En conditions naturelles, les chevaux vivent en groupes structurés et cohésifs basés sur l’établissement de relations sociales fortes et durables. Or, l’hébergement en box est une pratique commune au sein de la filière équine.

L’hébergement en box individuel ne facilite pas le bien-être équin

Le manque d’espace, le risque de blessures par conflits sociaux et la potentielle difficulté à faire travailler un cheval sorti de son groupe sont les principales raisons avancées (Hartmann, 2010 ; Pierard et al., 2019). Cependant, la vie en box ne permet pas d’exprimer certains comportements pourtant fréquents en conditions naturelles et semi-naturelles, ce qui favorise un état de frustration et l’apparition de diverses pathologies (Ruet et al., 2019 ; Sarrafchi & Blokhuis, 2013 ; Yngvesson et al., 2019). Ainsi, le développement de comportements stéréotypés a été associé au manque de contact social chez les chevaux élevés en box (Cooper et al., 2000) et Henry et al. (2016) ont montré que les chevaux en box, contrairement à ceux vivant en semi-liberté, présentent un syndrome comportemental qui s’apparenterait à un état dépressif. De même, l’absence de réponse (Ruet et al., 2019) ou l’anhédonie (perte de plaisir, un symptôme clé de la dépression) (Fureix et al., 2015) ont été constatées chez des chevaux hébergés en isolement social. De plus, un hébergement en box augmenterait le risque de développer des coliques (Cohen, 2003) et favoriserait l’apparition de signaux de mal-être tels que des stéréotypies ou autres comportements aberrants (Fureix et al., 2011).

Par exemple, les chevaux hébergés en boxes présentent des comportements de léchages, morsures et coups de pied dans les stalles (Heleski et al., 2002) et ont plus d’interactions agressives envers l’humain que les chevaux vivant au pré, en groupe (Yarnell et al., 2015). L’isolement social est également un facteur de stress important qui dégrade l’état de bien-être et qui pourrait également avoir des conséquences néfastes sur les processus cognitifs. En effet, il existe une interdépendance entre le bien-être et la cognition et l’effet du stress social pourrait donc avoir des implications à la fois sur l’état général de bien-être de l’animal et sur ses capacités cognitives (Bowman et al., 2003 ; Boissy & Erhard, 2014 ; Brajon et al., 2016 ; Franks, 2018 ; Hausberger et al., 2007 ; Henry et al., 2017 ; Valenchon et al., 2013). Plus précisément, le type d’hébergement pourrait impacter la flexibilité cognitive, l’état émotionnel, les réactions face aux cavaliers et donc les performances au travail (voir Lansade et al., 2014 ; Fortin et al. 2018).

contacts sociaux pour le bien-être des chevaux

Les contacts sociaux sont nécessaires au bien-être des chevaux

Récemment, Ruet et ses collègues ont recommandé de modifier radicalement les conditions de vie des chevaux afin de favoriser la satisfaction de leurs besoins. Entre autres exigences importantes, il semble nécessaire, pour préserver le bien-être des chevaux, de permettre des interactions avec les congénères (Ruet et al., 2020). Comme l’ont suggéré Sarrafchi et Blokhuis (2013) à propos du contrôle des comportements stéréotypés, mieux vaut prévenir que guérir. Dans ce contexte, certains pays (par exemple la Suisse, la Suède, l’Allemagne) ont pris conscience des conséquences néfastes de l’isolement social du cheval et ont adapté leur législation en interdisant le maintien des chevaux en box individuel (Protection suisse des animaux, 2013 ; Hartmann et al., 2012). Une telle prise de conscience émerge en France, puisqu’en 2016, le secteur équin a signé une charte pour le bien-être des chevaux et en 2018, a édicté des lignes directrices où la nécessité de contacts sociaux pour les chevaux est spécifiée et vivement encouragée.

Dans une perspective de bien-être, concilier vie sociale du cheval et contraintes d’élevage constitue un défi que la filière équine se doit de relever. C’est dans ce contexte que je présenterai un projet de recherche qui vise à réintégrer la dimension sociale dans les infrastructures équestres pour améliorer le bien-être des chevaux domestiques.

Références

Boissy & Erhard. (2014). Genetics and the Behavior of Domestic Animals: 81-113.

Bowman et al. (2003). Hormones and Behavior. 43(1): 48-59.

Brajon et al. (2016). Behav. Processes. 129:27-36.

Cohen, N. (2003 December 16). Factors Predisposing to Colic. 8e Congrès de médecine et chirurgie équine, Genève, Suisse.

Cooper et al. (2000). Applied Animal Behaviour Science. 69(1): 67–83.

Fortin et al. (2018). J Comp Psychol. 132(2):130-140.

Franks. (2018). Advances in Agricultural Animal Welfare: 3-24.

Fureix et al. (2011). ISRN Zoology. 2011: e271209.

Fureix et al. (2015). Applied Animal Behaviour Science. 162: 26–36.

Hartmann et al. (2011). Equine Veterinary Journal. 43:580-584.

Hartmann et al. (2012). Applied Animal Behaviour Science. 136(2-4):77-87.

Hausberger et al. (2007). Appl. Anim. Behav. Sci. 107(3-4): 299-306.

Heleski et al. (2002). Applied Animal Behaviour Science. 78(2-4):291-302.

Henry et al. (2017). Science of Nature. 104, 8.

Henry et al. (2017). Science of Nature. 104, 8.

Lansade et al. (2014) PLoS ONE 9(12): e114384.

Pierard et al. (2019). Journal of Veterinary Behavior. 29:61-69.

Protection Suisse des Animaux (2013). Feuille d’information PSA, Bâle.

Ruet et al. (2019). Animals. 9: 621.

Ruet et al. (2020). Applied Animal Behaviour Science, 228: 105027.

Sarrafchi & Blokhuis (2013). Journal of Veterinary Behavior. 8(5): 386–394.

Valenchon et al. (2013). PLoS ONE 8(4): e62324.

Yarnell et al. (2015). Physiology and Behavior. 143:51-57.

Yngvesson et al. (2019). Animals (Basel). 9(3):73.

Odile Petit

À propos de l’auteur : Odile Petit

Odile Petit est directrice de recherches au CNRS. Elle est spécialiste du comportement animal, et plus particulièrement des organisations sociales. Elle a débuté sa carrière d’éthologiste en étudiant les comportements d’agression et de conciliation chez les primates non-humains. Dans les quinze dernières années, elle a étudié les prises de décision collective chez de nombreuses espèces de primates et de mammifères sociaux et est reconnue comme experte dans son domaine. Depuis plusieurs années, elle travaille également en Afrique du Sud sur des problèmes de coexistence entre les humains et les babouins en milieu urbain (elle est chercheure associée au laboratoire de recherche international REHABS). Enfin, elle développe des projets sur le bien-être des chevaux domestiques et des primates non-humains en insistant sur les besoins sociaux de ces espèces.

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